Budget rectificatif 2024-2025 : une stratégie d’urgence face à la crise sécuritaire
- Amitié FM
- 14 avr.
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Dans un climat d’instabilité croissante et de pressions multiples sur les équilibres économiques du pays, le gouvernement haïtien dirigé par Alix Didier Fils-Aimé a adopté un budget rectificatif pour l’exercice 2024-2025. Présenté en conseil des ministres par le ministre de l’Économie et des Finances, Alfred Metellus, ce budget, surnommé « budget de guerre », s’élève à 323 milliards de gourdes et se veut une réponse directe aux urgences sécuritaires, humanitaires et économiques qui secouent le pays.
Le nouveau cadre budgétaire repose sur une priorité claire : renforcer la sécurité publique, relancer l’économie et restaurer la confiance dans l’action de l’État. Dans un contexte où les principales infrastructures portuaires sont dysfonctionnelles et où l’aviation commerciale américaine est suspendue vers Port-au-Prince, le gouvernement a jugé nécessaire de redéfinir ses priorités.
Outre l’insécurité chronique, la flambée des prix au premier trimestre, malgré une politique monétaire souple, a également pesé dans la décision de révision du budget initial. Le document officiel évoque une obligation d’adapter les dépenses publiques pour répondre aux impératifs du moment, notamment en matière de sécurité, de santé et de protection sociale.
Le budget rectificatif ambitionne une stabilisation du cadre macroéconomique. La croissance économique est désormais projetée à 0,5 %, soit une réduction de moitié par rapport à l’objectif initial de 1 %. Les recettes fiscales devraient toutefois connaître une légère progression, atteignant 217,54 milliards de gourdes contre 215,6 milliards précédemment. Le taux de pression fiscale est évalué à 5 %, tandis que l’inflation, revue à la hausse, est estimée à 29,7 %. Les émissions nettes de trésorerie restent inchangées à 16,2 milliards de gourdes.
*Priorité à la sécurité et à la protection sociale*
Le volet sécuritaire absorbe une part significative des réajustements : le budget de la Police nationale connaît une hausse de 9,4 %, passant de 35,6 à 38,9 milliards de gourdes. Parallèlement, les fonds alloués au Programme Multisectoriel pour l’apaisement social et la réinsertion des groupes vulnérables sont revus à la hausse, passant de 3,8 à 6,4 milliards.
Cette allocation s’inscrit dans une logique d’apaisement et de stabilité, ciblant les populations les plus affectées par les violences, les déplacements forcés et l’exclusion économique.
Dans une volonté de relancer la production nationale, le gouvernement introduit plusieurs mesures fiscales incitatives. Les droits d’accises sur les boissons alcoolisées importées restent fixés à 30 %, tandis que ceux appliqués aux produits similaires fabriqués localement sont passés de 15 % à 6 %. Les boissons énergisantes locales bénéficient également d’un allègement, avec un taux révisé à 10 % contre 15 % auparavant.
Par ailleurs, la période d’octroi des incitations fiscales est étendue de 7 à 10 ans, notamment pour les investissements stratégiques définis dans la loi sur le Code des investissements, afin d'encourager les acteurs économiques à réancrer leur activité sur le territoire national.
Le budget rectificatif introduit également de nouveaux mécanismes de soutien à certaines catégories professionnelles. Des cartes de débit seront émises au bénéfice du personnel éducatif public, et des crédits supplémentaires sont alloués au « Basket Fund » destiné aux prochaines échéances électorales et référendaires.
Une ligne budgétaire spéciale vise à compenser la réduction du soutien de l’USAID, particulièrement dans les secteurs de la santé publique et de l’aide alimentaire. En parallèle, des ressources sont allouées à des institutions récemment ré dynamisées , telles que la CNDDR, chargée du désarmement et de la réinsertion.
Enfin, le gouvernement a annoncé des mesures administratives pour fluidifier l’exécution des dépenses publiques. Celles-ci incluent la révision des seuils de passation des marchés publics et l’assouplissement des conditions liées aux contrats de location des bâtiments administratifs.
Le budget rectificatif 2024-2025 s’inscrit comme une tentative de rupture avec une gestion budgétaire figée et déconnectée des réalités urgentes. En misant sur la sécurité, la résilience économique et la cohésion sociale, l’administration Fils-Aimé cherche à redonner un cap à l’État haïtien, en espérant amorcer une sortie progressive de la spirale de crises qui paralyse le pays depuis trop longtemps.

PLR
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